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Édito de la lettre du 23 juillet 2020

Jeudi 16 juillet, après avoir prononcé la veille sa déclaration de politique générale, lue simultanément au Sénat par le numéro 2 du gouvernement, le Premier ministre est intervenu devant la Haute Assemblée par un long discours de plus d’une heure. Le phrasé est lent, l’attitude est grave, l’impression dominante est le sérieux. Le Premier ministre ne fait manifestement pas partie de ces hommes politiques de premier plan aux tonalités théâtrales façonnées par des heures de média-training. C’est tant mieux ! Devant les sénateurs, l’homme se définit comme le Premier ministre des territoires.

Deux grandes priorités et deux instruments pour réussir sont mis en avant. Les deux piliers annoncés pour soutenir tout l’édifice durant les dix-huit prochains mois sont « la lutte contre le chômage » et « la refonte du pacte républicain ».

L’outil pour réduire le nombre de demandeurs d’emploi, dont on estime qu’il pourrait rapidement augmenter d’un million, est le plan de relance. L’autre moyen nécessaire pour restaurer le pacte républicain et créer un choc de confiance est, selon le Premier ministre, la mise en place d’une nouvelle méthode. Celle-ci, fondée sur la confiance et la concertation, permettrait de restaurer le climat dégradé qui règne dans notre pays.

Comme souvent sous l’ère Macron, on ne peut qu’adhérer au discours et aux intentions. Mais souvent aussi, la réalisation n’a pas été à la hauteur des déclarations. Il faut maintenant agir et comme le clame, avec lucidité, le Premier ministre : « C’est dans l’exécution que nos concitoyens nous jugeront. »

Pour ce qui concerne la lutte contre le chômage, on ne peut nier que les budgets existent. Les sommes mobilisées sont vertigineuses, mais elles devront être utilisées avec justesse et justice, car il s’agit d’une dette pour les générations futures. L’idée qui circule d’un effacement possible de celle-ci est, selon les principaux économistes, totalement fantaisiste. Ne pas rembourser les sommes dues altèrerait la confiance des prêteurs, basée sur les capacités des États à honorer leurs engagements. Un non-remboursement provoquerait immanquablement une augmentation des taux. Effet mortifère pour la France tant son niveau d’endettement est important. On estime en effet que la charge après la crise que nous connaissons devrait atteindre 120% du PIB.

Il faut espérer que les dispositifs avancés pour lutter contre le chômage des jeunes, arrivant maintenant sur un marché de l’emploi sinistré, porteront leurs fruits. Il est tout de même étonnant de voir que les emplois aidés réapparaissent sous un autre nom, après avoir été supprimés au motif qu’ils n’inséraient que temporairement ceux qui en bénéficiaient. Quant à la relance de l’alternance, qui est louable, elle ne peut se résumer à des aides. Aujourd’hui, nombre d’entreprises n’embauchent plus d’apprentis, tant les préceptes les plus élémentaires de ponctualité, de respect de la hiérarchie, de savoir-être, et de travail tout simplement, ne sont bien souvent plus acquis.

Restaurer le pacte républicain et la confiance est la plus belle et impérative des missions. Là aussi, je souhaite que le gouvernement réussisse, mais je demeure sceptique tant le chantier est vaste et le mal profond. Il faut engager au plus vite les mesures qui permettraient de remonter la pente. Les dix-huit mois devant nous ne peuvent être suffisants pour constater des résultats tangibles.

Finalement, ce sont les mots prononcés sur la réforme des institutions et sur les relations avec les collectivités qui me semblent les plus sincères et crédibles. Le Premier ministre connaît ces sujets. Il a concrètement, en tant que maire, vécu des situations aberrantes que tous les élus de France constatent régulièrement. « Changer la façon de faire, faire confiance aux collectivités, leur donner davantage de libertés, libérer les territoires pour libérer les énergies, retrouver le chemin du développement économique dans le monde rural » : autant de phrases prononcées et d’intentions affirmées par Jean Castex qui résonnent agréablement aux oreilles des élus locaux ou de leurs représentants.

Dans la situation grave où se trouve le pays, le Premier ministre et son gouvernement n’ont d’autre choix que de réussir, et nous n’avons d’autre choix que de le souhaiter, car personne ne peut avoir envie qu’il s’enfonce davantage dans la crise. Celui qui me semble l’antithèse du Président porte de toute évidence en lui davantage de réalités de notre territoire et de nos compatriotes. Son expérience de terrain, loin de la capitale, est prépondérante, car l’un des maux de la France est la fracture entre la réalité locale et l’approche nationale trop technocrate portée par une haute administration souvent déconnectée.

Sauf événements majeurs, cette lettre d’information est suspendue jusqu’à la rentrée. Je souhaite à tous un bel été où chacun pourra s’adonner à ses activités favorites et prendre des forces pour affronter la rentrée et les épreuves qui nous attendent. Et surtout, restez vigilants et prenez soin de vous.