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Édito de la lettre du 15 février 2021

Le 2 et 3 février dernier était inscrite, à l’ordre du jour du Sénat, la deuxième lecture du projet de loi Bioéthique. J’ai voté le texte final, adopté à la majorité avec de telles modifications qu’il ne ressemble quasiment plus à celui transmis par l’Assemblée nationale. Le tohu-bohu médiatique passe inexorablement, laissant sur le bas-côté du paysage législatif des évolutions pourtant fondamentales. Cette loi Bioéthique l’est tout particulièrement, car elle dessine une société qui, dans quelques décennies, sera radicalement différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. Chaque parlementaire votant en conscience, il n’a, à aucun moment, été question d’adopter une discipline partisane et quelques-uns se sont trouvés à rebours de leur famille politique. Pour autant, dans un tel débat, on voit assez nettement s’exprimer les valeurs traditionnelles de droite et celles de gauche pour définir des lignes bien différentes. Il serait réducteur de parler de progressistes et de conservateurs tant la notion de progrès est subjective et prête à discussion. Et c’est bien ce qui s’est produit !

Ce projet de loi avait pour particularité, et sans doute pour faiblesse, d’associer un volet sociétal (l’extension de la PMA) à un volet bioéthique (la limite éthique pour la recherche médicale).

Le texte amendé porte le droit à l’enfant pour toutes les femmes, quitte à le priver de père, voire même d’origine, avec un double don de gamètes.

Des sujets tels que la PMA pour toutes, c’est-à-dire pour les couples de femmes mais aussi pour les femmes seules, ou encore la PMA post-mortem, le remboursement de ces actes par la sécurité sociale ou l’autoconservation d’ovocytes sans raison médicale côtoient ceux de la création d’embryon chimérique*, ou de la modification du génome de l’embryon humain ou encore de la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes.

Au-delà de ces sujets très techniques et complexes se pose la question de la société que nous souhaitons pour demain et des limites que nous nous donnons. L’Homme tout-puissant a-t-il un droit sur tout, droit à tout, notamment à l’asservissement du monde animal à des fins médicales ? Il est paradoxal de discuter de lois sur le bien-être animal et, parallèlement, d’accepter que certaines espèces deviennent des usines à fabriquer des pancréas ou des thyroïdes. Il est paradoxal de rejeter avec véhémence les cultures OGM et d’envisager, dans une loi, d’agir sur le génome humain. Il est paradoxal d’allonger la durée du congé de paternité, au principe de l’importance du père durant les premiers mois de l’enfant, et quelques semaines plus tard, dans une autre loi, d’institutionnaliser sa disparition. Il est paradoxal de prôner un retour au naturel et de légaliser de tels artifices scientifiques.

Je comprends le désir d’enfant et le sentiment d’injustice que peuvent ressentir celles qui ne peuvent enfanter. Toutefois, la PMA pour les femmes seules va instituer de fait le principe de l’orphelin de naissance, tout comme la PMA post-mortem pourrait créer le bébé souvenir. Ces deux cas ne constituent pas les conditions idéales d’épanouissement pour les enfants qui naîtront.

C’est au nom de l’égalité que la gauche de l’Hémicycle souhaitait que l’ensemble de ces actes de procréation assistée soient pris en charge par la sécurité sociale. Cette dernière a été créée afin de répondre, dans un principe d’égalité, aux seules dépenses de santé et de prévention de la maladie. Changer son objectif est un danger pour sa pérennité. Déroger à son principe originel, alors que son déficit est abyssal et sans cesse dénoncé, est un autre paradoxe.

À l’échelle du Parlement, on voit que les approches sont opposées et je crains, contrairement à ce qu’affirment les partisans de cette loi, que ces divergences soient le reflet de notre population. Pourtant, il me semble indispensable que, sur des sujets si importants et sensibles il y ait un minimum de consensus.

Ce débat contrasté pose la question de savoir si la loi doit accompagner systématiquement l’évolution de la société telle qu’elle peut être voulue par certains. C’est ce qui fait probablement la distinction entre conservateurs et progressistes. Pour ma part, il me semble que c’est la (lourde) responsabilité du législateur que d’apprécier si la société, dans son ensemble et sa diversité, évolue en conformité avec les valeurs que nous nous sommes collectivement fixées. Et de faire évoluer la loi en concordance avec celles-ci. C’est à lui, en son âme et conscience, d’établir le cadre qui dépasse les intérêts individuels, protège le plus grand nombre et respecte nos principes fondateurs. C’est sans doute ce qu’on appelle l’intérêt général !

* Le développement d’un organe à partir de cellules souches humaines chez un animal en vue de son prélèvement et de sa réimplantation chez l’homme.