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Édito de la lettre du 5 juillet 2021

De l’abstention …

Dans le précédent numéro de cette Lettre numérique, j’écrivais mon inquiétude à propos de l’abstention qui serait la probable gagnante des élections des 20 et 27 juin. Malheureusement, cette crainte a été confirmée et même dépassée.

Avec respectivement 33,3% et 34% de participation au premier et au second tours des élections départementales et régionales – taux historiques les plus bas, tous scrutins confondus hors référendums –, il est indispensable de s’interroger sur les raisons de cette faillite citoyenne et de chercher à y remédier.

Les Français ont-ils voulu manifester une colère ? Une forme muette de revendications telles celles exprimées dans la révolte par le mouvement des gilets jaunes ? Je ne le pense pas. Les Français semblent blasés et ont le sentiment que voter ne changera pas leur quotidien. Tous les candidats ont pu constater que les électeurs ne connaissent pas le rôle des collectivités et par ailleurs s’en désintéressent. Influencés par des médias qui pratiquent l’émotionnel et le sensationnel plus que l’analyse et la pondération, par des réseaux sociaux qui véhiculent de trop nombreuses inepties ou par certains humoristes qui prospèrent sur la caricature et le populisme, nos concitoyens semblent écœurés de la politique et ne plus croire en rien.

Pourtant, toutes ces déformations, tous ces excès, ne sont pas la vérité. Dans la très grande majorité de nos collectivités, les débats sont constructifs, le travail est sérieux et le respect, une réalité. Les sensibilités politiques s’expriment, mais c’est le travail commun qui domine et l’intérêt général qui prévaut. Il y a un malentendu profond aujourd’hui entre les Français et leurs élus. Une défiance qui ne me semble pas s’appuyer sur des faits. Alors, comment ramener nos concitoyens vers les urnes et changer leur vision de la politique ?

Si je n’ai pas toutes les réponses à ces questions, il paraît urgent de trouver collectivement des solutions tant la chute régulière de la participation menace d’entraîner une grave crise institutionnelle et politique. Regarder la pratique des pays proches du nôtre permet d’envisager quelques pistes.

  • Le vote blanc : Il semblerait légitime de le comptabiliser en tant que suffrage exprimé, comme c’est le cas en Espagne ou aux Pays-Bas. Il est un acte électoral qu’on ne peut nier et qui a représenté 11,5% des votes lors du deuxième tour des élections présidentielles de 2017. La loi doit maintenant évoluer.
  • Le vote par correspondance : Il a été aboli en France pour cause de fraude en 1975, mais il existe en Allemagne depuis 1957 et connaît un succès croissant puisque, lors des élections fédérales de 2017, plus de 28% des suffrages en sont issus. Il permet ainsi de maintenir Outre-Rhin une participation supérieure à la moyenne de notre pays. Les Pays-Bas ont autorisé le vote postal pour les plus 70 ans et étalé sur trois jours les élections législatives de mars dernier, obtenant une participation de 82,6%.
  • Le regroupement des scrutins locaux : Il s’agirait d’organiser un même jour les élections municipales, départementales et régionales. Les premières, traditionnellement plus suivies, soutenant la participation aux deux autres. Mieux informer sur le rôle de chaque collectivité, dans ce contexte où elles seraient réunies dans un même scrutin, donnerait par ailleurs plus de sens au vote.
  • Le vote obligatoire : Il est appliqué en Belgique ou en Grèce, en tant que devoir civique, mais pose la question de la sanction en cas de non-respect. Dans un pays comme la France, indiscipliné, rétif à la contrainte, la mesure semble peu réaliste. En outre, il abolit la qualité de droit qui est attachée à la possibilité de voter.
  • La représentation proportionnelle : Intégrale ou pas, serait-elle propice à mobiliser davantage ? Sans doute pour les partis extrêmes, qui rassemblent une forte proportion des électeurs et qui, à ce titre, pourraient avoir des représentants dans les différentes assemblées locales ou nationales. Certes, l’abandon du scrutin majoritaire poserait d’autres difficultés, notamment pour dégager une majorité qui impose des alliances souvent perçues comme de basses manœuvres par l’opinion publique.
  • Le vote électronique : Expérimenté puis abandonné dans plusieurs pays, utilisé en Estonie depuis 2005, il semble une fausse bonne idée. D’une part on connaît la fragilité de la sécurité des systèmes informatiques, d’autre part, dans une société sujette à la réaction émotionnelle, cela ouvrirait la porte aux velléités les plus improbables et à des résultats potentiellement dangereux.

Dans la démocratie représentative contemporaine, les citoyens souverains confient à des individus élus le pouvoir de défendre l’intérêt général et de les représenter. La campagne électorale, suivie de l’élection, en est le préambule. Si, faute d’intérêt, d’informations ou par rejet, les Français se détournent des urnes, cela pose le grave problème de la légitimité de ceux qui sont élus et plus tard du choix d’un système, meilleur ou plus adapté, pour remplacer l’existant. Heureusement, nous n’en sommes pas là, mais c’est un nouveau et impérieux défi qui se pose aujourd’hui à toute la classe politique nationale.