Édito de la Lettre électronique du 2 avril 2024
Y a-t-il un pilote dans l’avion?
Il y a 3 mois à peine, nous débattions du Projet de Loi de Finances 2024. La volonté des Sénateurs d’acter plus de 7 milliards d’euros d’économies, était balayée d’un revers de main par le ministre délégué chargé des comptes publics. Par la magie du 49.3, ce même PLF passait, aux forceps, le cap de la représentation nationale. Les annonces, récentes, d’un plan d’économies de 10 milliards, puis l’alerte d’un besoin urgent de 20 et même 30 milliards nous rendent des plus circonspects. Sous la pression des agences de notation, le gouvernement en appelle à la solidarité nationale, alors que les collectivités sont exsangues, les entreprises saturées de charges et les français confrontés à une baisse constante de leur pouvoir d’achat.
Le dernier budget en équilibre date de 1974. Depuis un demi-siècle, la France dépense plus d’argent qu’elle n’en dispose. Le déficit public atteint 5,5% du PIB, soit 154 milliards d’euros, et représente 35% des recettes budgétaires de l’État. La dette publique s’élève désormais à 3 101,2 milliards d’euros, soit 46 000 € pour chaque Français. 53% des titres de dettes négociables émis par l’État sont détenus par des prêteurs étrangers, dont 2/3 sont des européens : fonds de pension, souverains ou de banques… les 47% restant sont alimentés par des prêteurs français : assurances, banques et investisseurs divers, dont la Banque de France.
Les charges de cette dette s’élèveront à 52 milliards d’Euros en 2024, faisant d’elle le quatrième poste de dépenses, après les réductions fiscales (140 Mds€), le budget de l’Éducation nationale (87 Mds€) et la Défense (68 Mds€).
Est-ce grave docteur ?
Non, si l’État empruntait pour investir et s’assurer des revenus futurs. Ce n’est malheureusement plus le cas, il s’agit aujourd’hui de faire face aux seules dépenses de fonctionnement de la Puissance publique. Le risque est de voir un créancier exiger des contreparties sur des dossiers de politique internationale, en échange du renouvellement de la dette… En tout état de cause, cette position de gros débiteur ne peut qu’entraver la liberté d’action du gouvernement de la France, en Europe et dans le Monde.
A l’heure où l’on paie le « quoi qu’il en coûte », le rapport de la Cour des comptes affirme que l’État ne joue pas son rôle de stratège et qu’il est bien tard pour s’attaquer à la maitrise de la dépense publique ; tout en rappelant que l’effort d’économies nécessaire pour tenir la trajectoire budgétaire, était de 50 Mds€ annuels minimum jusqu’en 2027.
Une fois de plus, les sénateurs n’ont eu de cesse d’affirmer que la croissance pour 2024 était surestimée, mettant le doigt sur le caractère insincère du PLF. Curieusement, cette prévision vient d’être révisée à la baisse, passant de 1,4% à 1%…
Si nos concitoyens s’inquiètent de leur quotidien, si les agriculteurs s’enflamment, si bon nombre de professions s’interrogent, si les entreprises ont du mal à remplir leurs carnets de commandes, il importe que nos dirigeants fassent preuve de courage et de rigueur, désertent quelque peu les plateaux de télévision, et troquent le 100% de communication contre un 100% gestion des intérêts du pays, bref, qu’on les sente aux commandes …
L’époque anxiogène que nous vivons – et que l’on ne doit pas exclusivement au conflit russo-ukrainien – peut avoir raison de la patience des Français, on l’a vu encore récemment…
« En France, disait le général de Gaulle, on ne fait pas de réformes, on ne fait que des révolutions. »
Formule à méditer…
Pauline Martin, sénatrice du Loiret
le 2 avril 2024