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Chapitre 11 – « …il restait un brouillard humide qui retardait son apparition » (Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe)

Quon ne compte pas sur moi pour être critique, sans discernement, de laction du gouvernement. Jai du respect pour le Premier ministre que japprécie et dont on ne peut nier limplication. Les pourfendeurs systématiques nont soit jamais eu la moindre responsabilité à assumer, soit sont dans une démarche qui nest pas la mienne. Je tiens à rester honnête et indépendant en soulignant ce que japprouve et en disant ce que je conteste. Comme beaucoup, jai écouté avec attention le discours d’Édouard Philippe devant lAssemblée nationale. Jy ai trouvé une stratégie cohérente, mais deux manquements inquiétants et quelques contradictions.

Les trois grandes orientations – vivre avec le virus, mener une action progressive, adapter selon les régions – me paraissent de bon sens et je ne vois pas quels arguments pourraient être opposés. Nous savons que, pendant de nombreux mois, tant quil ny aura ni vaccin ni traitement efficace, le virus circulera et constituera une menace. Pour éviter des rebonds de la maladie, seul un déconfinement graduel peut être envisagé. Enfin, les mêmes règles ne peuvent être appliquées dans des départements tels le Cantal ou le Haut-Rhin tant la situation épidémiologique est différente.

Je suis beaucoup plus circonspect lorsque jentends prononcer à plusieurs reprises la doctrine qui tient en trois mots : protéger, dépister, isoler. Si jadhère pleinement au principe, je minterroge sur les moyens. Les masques pour protéger, les tests pour dépister et les hôtels thérapeutiques pour isoler sont en France en nombre très insuffisant. À chaque intervention ministérielle ou présidentielle, il est expliqué que tout cela sera bientôt disponible. Or nous attendons toujours…

Le Premier ministre a annoncé la mise à disposition de 700 000 tests virologiques par semaine au 11 mai, alors quaujourdhui notre pays en dispose de 150 000. Je reste dubitatif sur le fait de rattraper aussi rapidement notre retard. Par ailleurs, quid des tests sérologiques qui permettent de savoir si une personne a développé des anticorps ? Sur un sujet aussi important, labsence de précision et les échéances sans cesse reportées entretiennent la défiance et linquiétude.

Il est maintenant urgent que l’État apporte une information claire sur les masques lavables « grand public » ou alternatifs. Il ne lui est pas demandé den fournir, puisque, pour lessentiel, ce sont les collectivités qui sen chargeront volontairement et chaque particulier qui devra en acheter. On en comprend bien lutilité, à la fois pour se prémunir soi-même et protéger les autres. Les divergences dappréciation et la cacophonie entre les ministres et les membres du conseil scientifique persistent. Aujourdhui encore, il nest pas affirmé unanimement que les masques constituent une barrière indispensable et obligatoire dès lors quon sort de chez soi. À titre dexemple, il est possible d’être dans une file dattente de supermarché sans masque, mais dans un transport en commun vide, il en faut un. La logique nest pas accessible à tous.

Elle ne lest guère plus en ce qui concerne louverture des écoles. La parole scientifique, sur la capacité de transmission du virus par les enfants, a évolué en deux mois et donne le sentiment quon ne sait où est la vérité. Cest une nouvelle source dinquiétude car comment faire respecter les gestes barrières aux plus petits, dautant plus que les masques ne leur sont pas conseillés. À une semaine et demie de la réouverture des classes primaires, de nombreuses zones dombre demeurent. Le principe du volontariat familial, relatif au retour des enfants à l’école, crée un élément dincertitude tel que les organisations peinent à se mettre en place. Et, simultanément, demander aux parents leur intention de confier ou non leurs enfants sans quils connaissent précisément les modalités daccueil relève de la plaisanterie.

En revanche, la question de la responsabilité des maires vis-à-vis de louverture des écoles est un sujet qui ne prête pas à sourire. Il est probable quen septembre le risque de contamination demeurera, et on peut comprendre que pour des raisons essentielles, dordre social ou économique, la reprise scolaire se fasse le plus tôt possible. Toutefois, que se passera-t-il en cas de contamination, avec des conséquences dramatiques, au sein dune école ? Les parents auront-ils la possibilité dappeler en responsabilité les élus porteurs de la décision douverture ? Aujourdhui, rien nest clair et il faut espérer que des dispositions soient rapidement prises pour décharger les maires de toute responsabilité.

Dans la nouvelle phase de déconfinement qui sannonce, on peut regretter une nouvelle fois quil y ait tant dapproximations. La France accuse un retard par rapport à dautres pays qui ont su anticiper, acheter ou fabriquer, et avancer avec rigueur, ce qui qui leur a permis de répondre plus efficacement à la propagation de la maladie. Labsence de clarté nuit à la bonne compréhension et entame la confiance. Alors quil était espéré précision et méthode, le flou persiste – comme un brouillard qui ne montre que les formes hésitantes dune stratégie – et demeure le sceau de ce gouvernement.