Chapitre 13 – La fin…. et le début
Avec le déconfinement prend fin cette série d’éditos. Nous avons traversé une période inédite de notre histoire pendant laquelle j’ai souhaité vous apporter un regard personnel sur une actualité mouvementée.
Si toute épreuve fait grandir, on peut espérer que les Français ne sortent pas de celle-ci tels qu’ils y étaient entrés. Ce peuple indiscipliné, opposé à toute forme d’ordre, s’est montré de façon inattendue, respectueux des consignes. Les pessimistes considéreront que la peur du virus aura fait rentrer dans le rang les plus retors. Les optimistes, dont je suis, préféreront penser que c’est la gravité de la situation qui aura placé chacun face à ses responsabilités et créé ce sursaut civique. Très nombreux sont ceux, dont moi-même, qui se seront retrouvés chaque soir dans la rue ou sur leur balcon, pour applaudir les professions de santé et tous ceux qui ont su maintenir une activité indispensable à la vie quotidienne de la population. Les Italiens, plus précocement touchés par l’épidémie, avaient donné le ton, les Français les ont très vite imités pour rendre hommage et remercier, mais aussi créer un lien entre voisins. Lors de ces deux mois, en cette circonstance exceptionnelle, le peuple de France a montré un cœur généreux et un esprit de solidarité. Les propositions d’aide ont afflué dans les hôpitaux, pour faire des courses et soutenir les plus fragiles, pour confectionner des repas ou coudre des masques. Nous sommes si prompts habituellement à tout critiquer qu’il faut savoir souligner cet élan remarquable. Soyons fiers collectivement de l’image qu’a donnée notre pays au monde pendant dans cette période.
Cette épidémie a été vécue par beaucoup au rythme du journal de 20h des grands médias de l’audiovisuel. Oubliant toute autre actualité, les informations les plus morbides ont tourné en boucle jusqu’à l’overdose, participé à l’anxiété ambiante mais sans doute aussi favorisées la prise de conscience. Lors de ce confinement, les réseaux sociaux, porteurs du pire mais aussi du meilleur, ont pris une place dans notre quotidien plus grande encore. L’inventivité n’a pas de limite et l’enfermement a débridé une créativité qui s’est déployée dans bien des domaines. L’art pour se cultiver, l’humour pour garder le moral ou l’activité physique pour conserver une bonne forme ont occupé un espace important dans ces nouveaux vecteurs. Nos compatriotes assignés à résidence ont connu des épisodes difficiles mais aussi d’autres agréables, tels des moments familiaux retrouvés, d’avantage d’échanges avec les enfants, des travaux manuels ou des activités culinaires. Ils ont pu prendre le temps, tout simplement.
Je garderai longtemps en mémoire ce 8 mai si particulier ; cette cérémonie inhabituelle où nous étions trois élus ceints de notre écharpe tricolore et deux enfants porteurs de drapeaux. Là où se rassemblent chaque année plusieurs centaines de personnes, unis pour commémorer la Libération, la fin d’un péril autrement plus dangereux que le Covid19, nous étions seuls devant le monument aux morts, dans l’indifférence des automobilistes qui continuaient à circuler. Restera gravée en moi cette image d’un motard qui, nous voyant au moment de la minute de silence, s’est arrêté à quelques dizaines de mètres, a coupé son moteur, a quitté son véhicule pour se figer, puis a retiré son casque et a chanté la Marseillaise avec nous. Reparti comme il était venu, il me laissa ému et reconnaissant pour ce geste simple, offert, mais si rare. Je veux y voir un signe, celui d’une France inaltérable, ce que Charles de Gaulle, dans les Mémoires d’espoir, décrivait ainsi : « À moins de se rompre, cet ensemble humain, sur ce territoire, au sein de cet univers, comporte donc un passé, un présent, un avenir, indissolubles. » Et il ajoutait cette phrase intemporelle : « Aussi l’État, qui répond de la France, est-il en charge, à la fois de son héritage d’hier, de ses intérêts d’aujourd’hui et de ses espoirs de demain. »
Maintenant que cette page se tourne, souhaitons-le définitivement, il nous faut en extraire le meilleur, conserver la générosité, la solidarité, l’inventivité, le civisme, la discipline et la volonté. Rebâtir en n’oubliant pas que nous sommes, nous Français, capables de tout cela. Le fléau n’a pas disparu avec le déconfinement et nous allons connaître d’autres moments difficiles ainsi que leurs conséquences.
Malgré nos divisions, qui sont culturelles et seront sans doute plus aiguës demain encore, nous savons aussi que, dans de grandes circonstances, aujourd’hui comme hier, nous continuons à nous retrouver et nous unir. C’est un enseignement précieux et le ferment le plus fécond de notre avenir.