Chapitre 3 – La France face à la progression de l’épidémie
C’est le 17 février que la ministre de la santé, considérée comme un pilier du gouvernement, démissionne pour rejoindre Paris et sa campagne croquignolesque. Rétrospectivement, cette décision, imposée, laisse pantois tant elle éclaire sur l’absence de perception de la crise qui s’annonce. Ironie du sort, c’est à cette même date que se tient, à Mulhouse, le grand rassemblement national, pour une semaine de prières et de jeûne, de l’église évangélique de la Porte ouverte chrétienne. Les 2000 fidèles concentrés en ce lieu allaient constituer l’une des principales voies d’entrée du Coronavirus dans notre pays. Ces personnes venues de toute la France allaient, bien involontairement, en repartant chez elles, disséminer le virus et propager la maladie. Ainsi les premiers cas atteints dans notre département furent des adeptes de cette église.
Depuis l’épisode H1N1, en 2009, il existe trois stades d’épidémie qui correspondent chacun à une expansion spécifique du virus ainsi qu’à une réponse adaptée des autorités sanitaires. Le stade 1, déclenché le 23 février, deux jours avant le premier décès d’un Français, avait pour but de freiner l’introduction du virus sur le territoire national. L’objectif du stade 2, activé le 29 février, était de freiner la propagation en France et le stade 3, entré en vigueur le 17 mars, de gérer dans les meilleures conditions possibles, les conséquences de l’épidémie et d’en atténuer les effets.
Ce n’est qu’à partir de début mars que la France commence à réaliser qu’une « forme de grippe » risque de se répandre. On parle tout juste de gestes barrière, ce qui fait sourire le plus grand nombre, prenant à la légère les préconisations. En cette dernière ligne droite des élections municipales, on se rassemble, on s’embrasse et se serre la main. Les appréciations les plus diverses, des experts vrais ou supposés, se multiplient sur les ondes brouillant un message déjà peu clair de la part des ministres. Il faudra attendre la première intervention du chef de l’Etat, le jeudi 12 mars et l’annonce de la fermeture des écoles, collèges, lycées et universités, pour que la France prenne réellement conscience qu’il existe bel et bien un risque et qu’un combat se prépare. Toutefois, lors de cette même intervention, l’annonce du maintien des élections municipales renforce l’ambiguïté et sème le trouble. Ce même jour, l’OMS évoque pour la première fois le mot de pandémie, aujourd’hui familier de tous.
Le premier tour des élections municipales se décide dans un certain consensus qui montre, une fois de plus, l’absence de prise de conscience collective. Mais la perception de l’épidémie et du risque progresse très vite car trois jours après l’annonce, nombre de français désertent les bureaux de vote et préfèrent rester chez eux, à l’abri de la contagion.
Constatant la persistance d’une certaine légèreté dans la population, le lundi 16 mars, à 20h, devant 35,3 millions de téléspectateurs, pulvérisant tous les records d’audience, le Chef de l’Etat prend la parole. Durant son discours, Emmanuel Macron, qui utilise à six reprises le mot « guerre », annonce une période de confinement d’au moins quinze jours. Une période qui pourra être prolongée si besoin, précise le lendemain Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Les déplacements dits non-essentiels sont proscrits et sont limités au travail si nécessaire, pour se nourrir, ainsi que pour se soigner ou s’occuper d’une personne vulnérable. Les magasins non essentiels à la (sur)vie sont fermés.
Le confinement, dont la prolongation en France sera inévitable, concernera rapidement plus d’un tiers de la population mondiale. C’est le début d’une période inédite, inimaginable et sans doute, face aux annonces de décès qui commencent à se multiplier, la fin d’une insouciance. Demain ne sera pas comme hier…