Chapitre 6 – De l’importance de la communication
Sans vouloir polémiquer, on peut néanmoins constater que, depuis le début de la crise, la communication officielle est approximative. C’est une constante, car, dans d’autres situations, notamment la réforme des retraites ou la crise des gilets jaunes, la parole gouvernementale avait emprunté des chemins hésitants et tortueux. Si les errances passées n’avaient pas de conséquences dramatiques, dans le cas présent, il ne faudrait justement pas que les chemins mènent à Rome. La seule voie (voix) qui permette de maintenir la cohésion nationale nécessaire à notre sécurité est celle de la vérité. Seule cette dernière est susceptible de créer la confiance et de convaincre d’appliquer les mesures de protection. Nos concitoyens, nous tous, devons être persuadés que les décisions prises sont justifiées et adaptées. Or, depuis le début de la crise, les explications du gouvernement donnent l’impression que la caution scientifique est à géométrie variable, en fonction des possibilités de faire ou de ne pas faire. L’affirmation scientifique a souvent permis de ne pas reconnaître nos incapacités.
Ainsi l’épisode des masques prêterait à sourire dans d’autres circonstances. Tour à tour, on a entendu qu’ils devaient être strictement réservés, puisque inefficaces pour les autres, au personnel hospitalier, puis aux seuls médecins, infirmières et pharmaciens. Puis, son usage s’est appliqué à d’autres catégories de soignants, puis aux personnels des EHPAD, puis aux aides à domicile, puis aux enseignants dans les établissements scolaires, enfin à toute personne en contact direct avec la population (caissières, livreurs,…). Tout le long du mois de mars où la doctrine s’est curieusement transformée, la France entière a découvert qu’en dix ans, le stock de masques avait fondu sans être renouvelé. En fait, il n’y en avait pas suffisamment pour couvrir les besoins. Et, à mesure que se reconstituaient les réserves, le discours gouvernemental a évolué vers un plus grand nombre d’acteurs à protéger. Le 4 avril, l’académie de médecine estimait qu’il fallait éviter à chacun de propager le virus et, pour cela, prônait le port du masque pour tous et en toute circonstance. Un masque quel qu’il soit, y compris ceux dits « alternatifs » en toile réalisés chez soi. Le soir même, le ministre des Solidarités et de la Santé affirmait que le moment n’était pas encore venu et que ce n’était pas nécessaire. Or, on le sait, car d’autres pays l’ont expérimenté avant nous, le masque est une absolue nécessité pour éviter la diffusion, via les particules de salive, des virus dans l’atmosphère.
De la même façon, quelle qu’ait été l’organisation du premier tour des élections municipales, on a du mal à comprendre que les écoles, collèges, lycées, facultés, mais aussi les cafés et les commerces non essentiels aient dû fermer pour contenir la propagation du virus, alors qu’on nous expliquait scientifiquement qu’il n’y avait aucun risque à aller voter. Le jeudi 12 mars, je m’interrogeais sur ma page Facebook de cette absence de cohérence et j’espérais que le chef de l’État annoncerait quelques heures plus tard le report des élections. On connaît la suite. Plus de trois semaines après, certaines personnes dont on peut imaginer qu’elles ont été contaminées lors de ce scrutin, sont encore dans un état grave dans les services de réanimation.
L’usage de l’hydroxychloroquine ou encore des tests virologiques suivent les mêmes méandres de l’approximation. Dans une démocratie, il est normal que différentes voies s’expriment et qu’elles soient parfois discordantes. Ce qui est incompréhensible, c’est qu’une même autorité ait un discours fluctuant. Je suis persuadé que si nous avions eu en France la possibilité de tester en masse tout au long de l’épidémie, nous l’aurions fait. Les Allemands, qui ont su se procurer un nombre suffisant de ces tests, ont mené cette politique avec succès. En France, la doxa soutenait que tester ne servait à rien. En fait, la réalité est que, faute de tests, nous n’avions pas les moyens de dépister et qu’il fallait gagner du temps pour pouvoir le faire. Il eut été plus simple, plus honnête et sans doute plus efficace pour la suite de dire la situation telle qu’elle était. D’autant que je ne suis pas certain que le gouvernement puisse être tenu responsable de notre incapacité à produire ces tests rapidement.
Tout au long de cette crise qui va durer encore longtemps, qui sera traumatisante, qui nous aura blessés dans nos familles et nos amis, et qui touchera fortement notre porte-monnaie, il est indispensable de tenir un discours de vérité. Les Français sont parfaitement à même de le comprendre. Ernest Renan affirmait : « Le premier abord de la vérité est rarement agréable. » À cela, François Mitterand répondait à travers le temps : « La clarté est la forme la plus difficile du courage. »