Édito de la lettre d’information du 18 octobre 2022
Il faut être âgé de 90 ans aujourd’hui pour avoir connu plus lourde actualité. Je regardais, il y a quelques jours, le journal télévisé de 20 heures d’une chaîne publique et constatais à la fin de celui-ci que pas une seule information un tant soit peu optimiste, ou même seulement neutre, n’avait été annoncée. Alors, certes il y a de nombreuses difficultés, certes le monde est en effervescence, mais nos médias se complaisent dans la sinistrose et d’une façon certaine participent largement à l’entretenir. Cette dépression profonde qui semble affecter le pays est contagieuse et paralyse l’action. Pourtant, malgré les virus, les grèves et la guerre en Europe, nous avons la chance de vivre dans une nation aux valeurs fortes et ancrées, au peuple inventif et généreux, où tout reste possible. Cela ne signifie pas qu’il faut être béat et ne rien faire. Tout au contraire, cela doit nous inciter à être en mouvement et à combattre le découragement ambiant. Ce sont ces sentiments que j’ai perçus dans la sculpture d’une Marianne réalisée par l’académicien Jean Anguera, dévoilée samedi dernier sur la façade, qu’elle orne désormais, de la mairie de la commune de Givraines, dans le Pithiverais.
Car, oui, nous pouvons et devons relancer la machine France. Nos concitoyens ont élu (pour beaucoup par défaut) un président jeune avec l’espoir que son âge lui permettrait d’impulser une vision renouvelée pour notre pays et un dynamisme pour porter les grandes réformes nécessaires à son redressement. Qui peut dire aujourd’hui que l’espérance a été comblée ? Le Projet de loi de finances, qui sans doute sera adopté sans vote à l’Assemblée nationale par recours à l’article 49.3 de la Constitution, par lequel le gouvernement peut faire passer une loi sans la consultation du Parlement, ne traduit, ni sur le fond ni sur la forme, cette volonté.
Pourtant c’est précisément dans cette période qu’il faut faire preuve de courage et d’autorité. Nous ne pouvons plus laisser se paupériser notre industrie et notre agriculture comme nous le faisons depuis trop longtemps. L’augmentation sans équivalent des tarifs de l’énergie commande d’agir pour tous ces secteurs d’activité. Aujourd’hui, ne pas instaurer un bouclier tarifaire c’est, à l’instar de l’usine Duralex de La Chapelle-Saint-Mesmin dont les carnets de commande sont pourtant pleins, mettre de très nombreux Français au chômage technique, et la clé sous la porte pour beaucoup d’entreprises petites ou moyennes. Laisser nos agriculteurs avec la charge d’un coût de l’électricité, indispensable pour actionner leurs forages, multiplié par 25, c’est rendre leur production impossible et créer l’inflation de demain.
L’Allemagne a piloté beaucoup plus finement la crise COVID et a sans doute été moins généreuse que la France, mais ses marges de manœuvre sont plus grandes car sa dette publique est sans commune mesure avec la nôtre. Cela lui permet aujourd’hui de libérer 200 milliards d’aides pour son économie.
Nous devons aussi resserrer les conditions qui permettent de bénéficier de l’assurance chômage. Là encore, notre pays est très (trop) généreux. Certains préféreront parler de solidarité plutôt que de générosité, mais permettre d’avoir un travail n’est-il pas la première des actions sociales ? Il est anormal et choquant d’avoir tant de chômeurs et en parallèle tant d’entreprises qui peinent à trouver des bras pour travailler.
Il n’y a pas de contradiction entre la dénonciation du « quoi qu’il en coûte » et la nécessité de soutenir notre capacité à produire pendant cette période. La politique est affaire de choix. Notre pays est difficile à gouverner, mais il l’est encore davantage lorsque les mesures sont à prendre dans l’urgence. Nous manquons coupablement d’anticipation et de persistance dans des domaines aussi fondamentaux que ceux qui concernent notre souveraineté. Que ce soit en matière industrielle, alimentaire ou énergétique, la France n’a pas fait preuve de lucidité et de prospective. La gestion de la politique énergétique en est la preuve flagrante. Fleuron de notre savoir-faire et avantage indéniable pour attirer des entreprises internationales pourvoyeuses d’emplois, le secteur de l’énergie a été abandonné et la doctrine a prévalu sur l’efficacité.
C’est maintenant qu’il faut fermement tenir la barre du navire et prendre le bon cap, car notre pays possède de multiples atouts qui devraient lui permettre d’espérer la prospérité. Une main de fer dans un gant de velours, c’est ce que recommandait déjà en 1818 le général Bernadotte, roi de Suède, pour gouverner le peuple français.