Édito de la lettre du 15 mars 2021
Les actes graves s’accumulent et chaque jour apporte son lot de faits divers témoignant de la violence qui s’installe dans notre société.
Dans la rue, à Paris comme à Champigny-sur-Marne, Vaux-le-Pénil ou Nice, Vannes, Besançon, elle est partout… Les images diffusées de rixes entre jeunes sont choquantes. Il y a plus de vingt ans, un illustre ministre de l’Intérieur du gouvernement Jospin avait qualifié ces adolescents armés de marteaux, couteaux ou battes de base-ball, de « sauvageons ». Le terme avait heurté, mais, selon la définition du dictionnaire Le Robert, il s’agit bien « d’enfants farouches, grandis sans éducation », par ailleurs « fauteurs de troubles », ajoute Larousse. Le manque de cadre éducatif est probablement le point initial de ces comportements inacceptables. Les parents – quand ce n’est pas la mère car combien de pères sont absents – ont baissé les bras ; l’école de l’après-68 et son « interdit d’interdire » a perdu toute autorité et laisse les enseignants démunis ; enfin les images diffusées par les réseaux sociaux ou les jeux vidéos toujours plus violents ont banalisé l’agression verbale et physique parmi les jeunes générations.
La violence, elle s’exerce aussi au sein même de la famille. Une femme sur trois dans le monde est victime d’agressions physiques ou sexuelles. En France, les chiffres de féminicides et d’infanticides, bien que moindres, sont alarmants. Alors qu’une « atteinte à la personne » sur deux se déroule dans le cadre familial, on estime à environ 1% de la population nationale le nombre de femmes qui la subissent. L’année 2020, singulière à cause des confinements, aura été la première où le nombre de féminicides a diminué après quinze années de hausses successives ; mais, paradoxalement, les constats de violences intra-familiales ont augmenté de 9% et le nombre de viols de 11%.
Les manifestations hebdomadaires ultra-violentes des gilets jaunes durant des mois, les agressions racistes, homophobes, antisémites, la généralisation des incivilités et la menace permanente d’attentats terroristes ont fait de la violence une toile de fond ordinaire.
Et pourtant, cette violence est-elle en réalité plus fréquente qu’auparavant ? Sans doute pas. Ainsi, le nombre d’homicides qui est aujourd’hui de l’ordre de 900 par an, était deux fois plus important dans les années 90, quatre fois plus dans les années 60 et vingt fois plus il y a deux siècles, alors que la population française était moitié moindre. On a sans doute oublié les rapts d’enfants dans les années 70 ou l’antisémitisme des années 30 et, plus proche de nous, dans l’Orléans des années 70. Autre forme de violence, la délinquance routière a été divisée par quatre en l’espace de quarante années.
Ce sentiment d’insécurité, que nous ressentons tous, est certes nourri par le flot continu d’informations, qui place au même rang les guerres lointaines et les faits divers de nos territoires, mais aussi par les dérives verbales devenues banales et des comportements irrespectueux ou agressifs auxquels nous sommes confrontés dans notre quotidien. Ce sont les parents, premiers éducateurs de leurs enfants, avec l’Institution scolaire qui peuvent faire évoluer les mentalités et pacifier notre société. En parallèle, il est primordial de réformer la justice, car il est incompréhensible que de nombreuses peines de prison ne soient jamais effectuées. La presse quotidienne régionale est remplie d’exemples de délinquants multirécidivistes jamais sanctionnés. La peine prononcée doit prendre différentes formes, être adaptée au délit, mais systématiquement effectuée. Y compris par les plus jeunes. C’est le principe même de la justice que de punir quiconque ne respecte pas la loi et d’avoir la possibilité de réparer les torts causés à autrui.
Anatole France, prix Nobel de littérature en 1921, écrivait : « Les modérés s’opposent toujours modérément à la violence. » C’est une formule qui incite à la réflexion. Si rien ne justifie une fermeté excessive des forces de l’ordre, de la justice, du système éducatif… de l’État, sans doute avons-nous collectivement évolué vers des principes inverses. Le laxisme et une tolérance inadaptée contraignent, en réalité, une de nos libertés fondamentales qui est la sécurité. Celle-ci est un sujet trop grave pour laisser les démagogues et les extrêmes s’en emparer. Trouver la juste mesure sera certainement un élément important de la prochaine campagne présidentielle et une réponse attendue par nos concitoyens pour lesquels violence et sécurité constituent une légitime préoccupation, si ce n’est la première.