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Édito de la lettre du 2 mai 2022

Comme on pouvait s’y attendre, Emmanuel Macron a été élu, ce dimanche 24 avril, président de la République pour la seconde fois consécutive. Ce serait faire preuve de mauvaise foi que de ne pas reconnaître qu’obtenir 58,55 % des suffrages exprimés est un beau score et que cela lui confère toute légitimité. 18 768 639 voix l’ont désigné, sur 48 752 339 inscrits. Ainsi, si l’on retient le pourcentage des suffrages, sur la base des électeurs inscrits, en incluant ceux qui se sont abstenus, les votes blancs et nuls, les chiffres sont moins avantageux pour le président tout juste réélu. Emmanuel Macron ne réunit alors « que » 38,52 % des voix. Seul Georges Pompidou en 1969, avec 37,51 % des suffrages, avait réalisé un plus mauvais score.

Cela est sans doute la résultante d’une élection atypique. D’abord, car nous sommes dans un  contexte de sortie de crise sanitaire auquel s’est ajouté, il y a deux mois, la survenue de la guerre en Ukraine. Ensuite, le refus d’entrer en campagne du président sortant a réduit le débat des idées. Une partie des électeurs s’est résolue à voter « utile » au premier tour, ce qui peut expliquer les écarts très importants entre le trio de tête et les autres candidats. Au second tour, une part de l’électorat s’est prononcée en faveur de l’un des deux candidats pour faire barrage à l’autre. Une fois encore, notre pays est passé à côté de ce moment démocratique majeur qu’est l’élection présidentielle. Pour preuve, le peu d’enthousiasme constaté au terme de l’élection. Les plans serrés de la réunion du Champ-de-Mars, le soir de la victoire d’Emmanuel Macron, montraient certes des ministres dansant et s’étreignant, mais ceux plus larges présentaient une foule assez modeste. Autres éléments, les audiences de la soirée électorale des chaînes de télévision ont été en nette baisse en comparaison de celles du premier tour et des élections présidentielles précédentes. Le lendemain de l’élection, la France a retrouvé sa routine et, malheureusement, la grisaille de l’ambiance actuelle. Ce scrutin qui n’a pas soulevé les passions ne nous permettra sans doute pas de connaître la dynamique ou « l’état de grâce » consécutifs traditionnellement à cette élection.

Aujourd’hui, le champ politique est plus que jamais dévasté. Nous le constaterons chaque jour davantage jusqu’au scrutin législatif.

Le 10 avril, les extrêmes ont réuni près de 60 % des suffrages ; c’est en soit un résultat consternant. Le 24 avril, Jean-Luc Mélenchon, candidat heureux de La France insoumise, appelait à l’union de toutes les voix de gauche pour l’élire Premier ministre à l’issue des législatives. C’est évidemment une plaisanterie, puisque le Premier ministre est constitutionnellement nommé par le président de la République. Mais c’est aussi une tromperie sur le fond. La gauche de gouvernement, sociale-démocrate, n’a que très peu de points communs avec LFI, qui va de la gauche radicale à l’extrême gauche et ses références révolutionnaires.

De l’autre côté de l’échiquier, la droite extrême est elle-même divisée en deux entités, avec l’arrivée dans le paysage du parti Reconquête. Celui-ci s’étant construit en débauchant des caciques du Rassemblement national (et pas seulement !), ses divisions se révèlent au grand jour.

La division règne aussi chez les partenaires d’hier autour du chef de l’État. Ceux qui se réclamaient à la fois de la droite et de la gauche, et maintenant de plus rien, à l’exception du Président, se retrouvent confrontés aux « petites tactiques » qu’ils dénonçaient. Les personnes priment sur les convictions, la communication sur les actions. Le torchon brûle entre Emmanuel Macron et Édouard Philippe, et les tractations, les parachutages et combines politiciennes sont ceux d’un monde qu’on espérait disparu.

La droite républicaine s’est volatilisée lors de cette élection présidentielle. Est-ce le fait d’un défaut d’incarnation ou bien d’un mal plus profond ? Sans doute les deux. Dix millions de voix ont été perdues entre l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007 et le premier tour de 2022. Cet effondrement se confirme dans les statistiques sur tous les segments d’âges, de professions, de milieux sociaux-culturels ou de répartitions territoriales. Il devient vital pour cette famille politique, la mienne, de faire sa mue : changer son mode de fonctionnement en interne, tant au niveau local que national, pour retrouver davantage de démocratie ; renouveler le personnel politique pour laisser la place à de nouvelles personnalités et des jeunes – je me félicite que quatre des candidats LR parmi les six circonscriptions du Loiret aient moins de quarante ans – ; enfin, il faut revisiter les grands sujets et faire un travail de reconstruction. Le programme de Valérie Pécresse était très proche de celui de François Fillon, qui ressemblait en bien des points à celui de Nicolas Sarkozy. Qu’avions-nous de novateur ? L’image que nous donnons n’est pas suffisamment dynamique et moderne pour jouer au niveau national les premiers rôles. Outre les résultats électoraux, la société, en mouvement permanent, nous incite à s’interroger et évoluer. Si les partis du centre et de la droite, dits de gouvernement, ne font pas ce travail, ils disparaîtront. Or je suis persuadé que notre famille de pensée, avec les valeurs qu’elle porte et qu’elle doit conserver, avec un corpus d’idées refondé, a toute sa place dans le monde d’aujourd’hui. Plus encore, je suis convaincu que c’est là que se trouve une partie des solutions aux maux qui affectent notre pays.

On le voit, dans l’offre politique, la personnalisation a pris le pas sur les idées. C’est un drame pour notre démocratie et cela peut être extrêmement dangereux. La droite doit être capable de reconstituer ses lignes directrices et de définir un projet avec une vision pour la France. Alors que le Président lui-même estime que le quinquennat sera difficile, l’agitation politique ne peut donner aux Français confiance en l’avenir. Cela ne signifie nullement pour moi qu’une forme d’union nationale doit être réalisée, mais que, au contraire, il faut retrouver des alternatives saines, un vrai débat d’idées et un dialogue politique construit, respectueux et apaisé. Finalement, à l’image du Sénat !