Édito de la lettre du 24 juin 2020
Dimanche 21 juin, la Convention sur le climat, constituée de 150 citoyens tirés au sort, a approuvé à 95% son rapport final. Celui-ci résulte d’un travail de neuf mois et établit 149 propositions pour lutter contre le réchauffement climatique. Le président de la République a déclaré qu’il fera part de « ses premières réponses », issues de ce processus, au plus tard le 29 juin.
Les participants, tirés au sort, à partir de 255 000 numéros de téléphone générés automatiquement, ont été triés par critères de sexe (une moitié de femmes, l’autre d’hommes), d’âge (3% ont de 16 à 17 ans et 18% plus de 65 ans), de niveau d’études (un quart n’a pas de diplôme ou le niveau collège), de situation socioprofessionnelle et de lieu de vie : commune rurale, centre urbain ou grande agglomération. Toutes les régions françaises, y compris l’Outre-mer, sont représentées. L’objectif fixé était de faire des propositions afin de « réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 dans un esprit de justice sociale ».
Sur la forme, il faut noter que la démarche participative, fréquente dans les collectivités locales, était inédite à l’échelle nationale. Même si la représentation peut paraître diluée (150 personnes pour 66 millions de Français), l’exercice démocratique n’en est pas moins intéressant. La pratique du tirage au sort est couramment utilisée, avec succès, dans nombre de pays européens. Je l’ai moi-même testée, il y a dix ans, dans ma ville d’Olivet pour une révision du PLU et au sein de l’intercommunalité orléanaise pour l’élaboration du SCOT. Le fait d’associer des citoyens habituellement détachés des sujets à traiter peut permettre des approches différentes et constitue un atout indéniable, lorsqu’il s’agit ensuite d’expliquer à l’ensemble de la population les décisions politiques qui en résultent.
Sur le fond, exactement comme dans nos communes ou départements, la difficulté va maintenant être de trier objectivement ce qu’il est possible de réaliser, et de confronter les projets aux impératifs budgétaires, économiques, juridiques ou politiques.
Déjà, la 150e proposition, qui consistait à réduire la durée de travail hebdomadaire de 35 à 28 heures sans perte de salaire, a logiquement été écartée car irréalisable économiquement. Pour le reste, ces travaux accouchent de recettes assez convenues dans le domaine de l’environnement et du changement climatique. C’est en cela une déception. La réduction de la vitesse sur les autoroutes, l’obligation d’isolation des bâtiments administratifs ou des logements, assortie d’aides publiques, la suppression de la publicité pour les biens de consommation polluants, ou encore l’interdiction des terrasses chauffées et des vitrines éclairées sont quelques-unes des mesures phares. Malheureusement, elles ont déjà été proposées de nombreuses fois dans le passé et ne répondent pas à l’ambition fixée. Elles sont par ailleurs pour la plupart politiquement difficiles à porter, alors même que la population française a démontré dans un passé récent son extrême réactivité face à des mesures environnementales peu populaires. Il est également question d’organiser un vote national sur deux éléments : l’introduction dans la Constitution de la lutte contre le réchauffement climatique et la création d’un crime d’« écocide ».
Les marges d’Emmanuel Macron sont à nouveau assez étroites. Prendre en compte a minima les projets de la convention qu’il a lui-même instaurée le placerait dans une situation délicate et ruinerait encore davantage sa crédibilité. Accélérer le processus et accéder massivement aux attentes des 150 participants semble impossible tant les sujets sont parfois explosifs.
La voie du référendum à questions multiples apparaît donc la moins risquée politiquement, même si solliciter les électeurs dans une période où les campagnes électorales s’enchaînent n’est pas une décision anodine. Le risque d’être déjugé ne serait pas neutre avant les élections présidentielles qui se profilent.
Contrastant avec celle de son Premier ministre, l’image d’Emmanuel Macron, qui a le verbe facile, parle beaucoup mais agit peu, s’installe dans l’opinion publique. On ne peut pas dire que les réformes adoptées pour l’hôpital, l’école, l’alimentation, le logement, la croissance et la transformation des entreprises… aient tenu la promesse réformatrice faite à notre pays et largement claironnée. Alors que les experts du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) prédisent unanimement une augmentation de plusieurs degrés d’ici la fin du siècle, entraînant de sévères conséquences à l’échelle de la planète et de la vie humaine, le sujet de l’environnement et du réchauffement climatique est chaque jour plus préoccupant. Toujours difficiles politiquement, toujours repoussées à plus tard, les mesures les plus efficaces tardent à venir. Il y a pourtant urgence, et c’est sans doute sur celles-ci que les générations futures jugeront les hommes politiques d’aujourd’hui.