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Édito de la lettre du 5 janvier 2023

Qu’elle soit de Talleyrand, de Montaigne ou du cardinal Maury, la citation « Quand je me regarde je me désole, quand je me compare je me console » s’applique plus que jamais à la situation française. Certes, tout ne va pas bien dans notre pays et chacun peut trouver des raisons de se plaindre. Toutefois, nous ne pouvons faire abstraction de ce qui se passe au-delà de nos frontières. L’actualité internationale nous incite à relativiser, ce qui n’est pas minimiser, nos difficultés.

L’année 2023 sera sans doute le deuxième chapitre d’une histoire commencée en 2022 avec la guerre en Ukraine et ses conséquences. Elle doit aussi être, enfin, une année de réforme. Toujours appelée de mes vœux, jamais réalisée, la transformation profonde de notre pays est pourtant indispensable. La situation économique mondiale dégradée, du fait du coût croissant de l’énergie, va nous rappeler, sans nul doute, à cette réalité. Les États les plus prospères sortiront de cette période sans trop de dommages. En revanche, les moins favorisés connaîtront des difficultés grandissantes. La France ne fait partie d’aucun de ces deux groupes et elle doit rejoindre le premier de toute urgence. Elle possède tous les atouts pour le faire. Encore faut-il avoir le courage et la volonté d’opérer les changements nécessaires.

La réforme des retraites. Le 10 janvier, le projet de loi sera dévoilé. Rapidement, il sera débattu à l’Assemblée nationale avant de l’être au Sénat. Même si l’idée de travailler davantage soulève des critiques, même si ce dossier brûlant risque d’embraser ce début d’année, il faut avancer sur ce sujet qui mine le climat social depuis trop longtemps. Alors que le Conseil d’orientation des retraites (COR) minimise les avantages budgétaires de la réforme, tout en disant que celle-ci est indispensable à moyen terme, la France ne peut rester la lanterne rouge européenne et continuer à creuser le déficit public alors que sa dette atteint la somme astronomique de 3 000 milliards d’euros.

La réponse à la crise énergétique. Il était étonnant d’entendre les propos du Président de la République lors de ses vœux aux Français. Frappé subitement d’amnésie, oubliant les errements des dix années passées, il déclarait à propos des possibles coupures d’électricité cet hiver : « … si nous continuons de remettre en service nos réacteurs nucléaires comme prévu, nous y arriverons. » La relance d’une industrie nucléaire performante afin d’atteindre la souveraineté énergétique et de disposer d’une production électrique à coût compétitif est devenue une urgence. La résilience, mot à la mode, sera l’élément positif de la crise énergétique. Nous allons devoir apprendre à vivre plus sobrement et à rompre avec les habitudes d’un temps révolu.

La refonte du système de santé. L’hôpital ne peut plus tenir dans les conditions actuelles et la médecine de ville est tout autant sinistrée. Épuisé par trois années de pandémie, confronté à une triple épidémie de Covid-19, bronchiolite et grippe, notre système de soins est dépassé. Des conditions de travail socialement inacceptables, médicalement inadaptées et dangereuses provoquent des démissions en série. Un cercle vicieux s’instaure : plus de travail génère plus d’arrêts, plus d’arrêts engendrent moins de médecins, moins de médecins induisent plus de travail… Il faut avoir le courage de remettre à plat un système qui ne répond plus au contexte actuel et surtout qui ne joue plus le rôle protecteur pour lequel il a été conçu. Cela passera par l’instauration d’un numerus clausus d’installation en zone carencée, par des délégations effectives de compétences aux professionnels de santé (infirmiers, kinésithérapeutes, pharmaciens…), par une revalorisation des salaires et des métiers, par un dégraissage administratif de l’hôpital au profit d’un renforcement du personnel soignant. On dit les Français rétifs au changement. Cela est sans doute exact, mais la grande majorité d’entre eux constate chaque jour à quel point il est temps d’agir.

D’autres transformations sont tout aussi importantes. Notamment celle qui consiste à remettre le travail au centre des valeurs de nos concitoyens. Par ailleurs, nous ne pourrons plus faire longtemps l’économie d’une vaste réforme de l’école et plus largement de l’éducation.

La France, puissance d’équilibre. C’est un slogan censé caractériser la politique étrangère de notre pays qui se veut non aligné sur les grandes puissances. Sans doute dans une certaine mesure. Dans le passé, nos dirigeants ont parfois su porter une voie (voix) alternative et favoriser la résolution de conflits. C’est la stratégie que doit poursuivre le Président de la République afin de recréer les conditions d’un dialogue aujourd’hui anéanti entre Russes et Ukrainiens. Cette ambition ne peut se concrétiser qu’en aidant à la désescalade et en écartant le risque de chaos, toujours possible.

Mon souhait pour notre pays en 2023 est qu’il puisse avancer sur une voie de réel progrès. « Il vaut mieux suivre le bon chemin en boitant que le mauvais d’un pas ferme », écrivait saint Augustin. La France boite souvent et pas toujours sur le bon chemin. Espérons trouver ce passage et ensemble le prendre d’un bon pas. Celui de la volonté, de l’unité et de la fraternité, qui permette d’atteindre un but commun.

Et pour chacune et chacun d’entre vous, je souhaite une très belle et heureuse année. Une année où l’enthousiasme et le bonheur se cultivent dans nos relations de proximité, avec nos proches et ceux que nous aimons. Très bonne année à toutes et tous !