Sciences Po Paris au cœur du tumulte
Un grand chambardement s’empare de l’institution qu’est Sciences Po Paris, école ayant tant participé à honorer Olivier Duhamel, ancien président de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, récemment accusé d’inceste par ses beaux enfants. Quelques jours après ces révélations, de nombreux étudiants et étudiantes saisissent l’opportunité de témoigner des violences qu’ils et elles ont subies au sein de l’école ou au dehors. En interne d’abord, par la diffusion de témoignages pour la plupart anonymes sur les groupes de promotion, puis publiquement sur les réseaux sociaux via les hashtags #metooinceste et plus récemment #sciencesporcs. Se déploie alors une mobilisation sans précédent des associations étudiantes à l’encontre de Frédéric Mion, directeur de l’école depuis 2013, faisant l’objet d’une enquête interne diligentée par le ministère de l’Enseignement Supérieur dont le rapport lui reproche des incohérences de jugement après avoir été tenu au courant de l’affaire Duhamel deux ans auparavant. Ne pouvant plus décemment continuer de tenir la barre du navire suite à ses erreurs d’appréciation, son immobilisme et ses tentatives de dissimulation auprès des étudiants, Frédéric Mion démissionne de ses fonctions le 9 février 2021. Cette démission n’est pas un aboutissement en soi, elle n’est que le résultat symbolique d’un mouvement naissant qui vise à repenser entièrement la gouvernance des sphères administratives, souvent lieux de pouvoir et de tractations politiques, au sein des grandes écoles telles que Sciences Po et desquelles seront diplômés les dirigeants de demain. L’intégrité ne doit donc pas y être une option. Cette démission met également en lumière l’impérieuse nécessité d’une refonte plus démocratique et transparente du système de désignation de nos directions. Il s’agirait ainsi de mettre fin à la cooptation dans un objectif de renforcement de la confiance et de renversement d’une omerta souvent institutionnalisée. Enfin et surtout, cette démission prend tout son sens dans un contexte de carence de structures d’accueil des victimes de violences sexuelles au sein des Instituts d’Études Politiques (IEP) où les campagnes de sensibilisation et les dispositifs d’accompagnement et d’écoute ne sont pas suffisants. Espérons à présent que ce remue-ménage médiatique ne s’attarde pas davantage sur ces personnalités déchues mais entraine dès maintenant une restructuration profonde et intelligemment menée des mentalités au sein de nos établissements d’enseignement supérieur afin de lutter efficacement contre ces violences jusque-là trop souvent restées tapies dans l’ombre. Justine Fisset, collaboratrice de Monsieur Hugues Saury et étudiante à Sciences Po Paris |