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Tribune : Nous l’avions annoncé, nous l’avions redouté, et c’est désormais une réalité

Pauline Martin et Hugues Saury
Sénateurs du Loiret

Paris, le 11 octobre 2024

Le gouvernement de Michel Barnier a annoncé un effort budgétaire de 60 milliards d’euros en 2025. Le découpage annoncé le 10 octobre 2024 dans le projet de loi de finances 2025 se décompose en deux parties. Une augmentation des recettes de 20Mds sous forme d’une majoration des impôts, notamment pour les ménages les plus aisés et les très grandes entreprises, et une diminution des dépenses sous forme d’économie à hauteur de 20Mds pour les services de l’Etat, de 15Mds pour les comptes sociaux et de 5Mds pour les collectivités locales.

Nous saluons la volonté affichée de réduire les dépenses publiques et de maîtriser la dette. Cependant, nous demandons au gouvernement de se soumettre de manière constructive au dialogue avec la représentation nationale, et plus particulièrement le Sénat sur la partie des collectivités locales.

Le Sénat dira aux ministres, que les collectivités, déjà lourdement affectées par les baisses successives de dotations ces dernières années, sont une fois de plus la cible d’une politique budgétaire qui les ignore et les affaiblit.

Depuis la crise de 2008, les collectivités locales font face à plusieurs efforts financiers imposés par l’état : réduction des dotations globales de fonctionnement (DGF), avec une baisse cumulée de 11 milliards d’euros entre 2014 et 2017 ; introduction du « pacte de Cahors » limitant la hausse des dépenses de fonctionnement à 1,2 % par an pour les collectivités les plus importantes ; transfert de compétences quasiment non compensées, comme la gestion des cartes d’identité et des passeports, ou l’instruction du droit des sols via la loi NOTRe (2015), ou encore la gestion du risque inondation, sans oublier la suppression de la taxe d’habitation certes compensée jusqu’à maintenant mais sans dynamique. Ces mesures ont réduit les marges de manœuvre tout en augmentant les responsabilités. Rappelons que les collectivités locales ne représentent que 8 % de la dette publique, et qu’elle est destinée à l’investissement, en revanche elles représentent 70% de l’investissement public !

Ce sont les communes, les départements et les régions qui sont en première ligne pour assurer les services publics du quotidien : la gestion des écoles, des infrastructures routières, des équipements sportifs, culturels et sociaux. Aujourd’hui, dans un contexte d’inflation galopante et de crise énergétique, elles sont sommées de maintenir un haut niveau de services tout en voyant leurs ressources financières se réduire mois après mois.

Pour les y aider, le code général des collectivités territoriales a triplé en volume en vingt ans, alourdissant la bureaucratie, imposant toujours plus de normes, et compliquant leur gestion quotidienne.

L’effort demandé est compréhensible aux vues des réalités financières qui partent à la dérive, mais il doit s’accompagner de contreparties concrètes. Il est urgent de clarifier pour les communes des engagements – comme le ZAN (zéro artificialisation nette) et d’assouplir les réglementations relatives à la gestion de l’eau et l’assainissement (annoncé mais sans véhicule législatif pour le moment) – qui rendent la tâche des élus locaux de plus en plus complexe. De même les départements ne doivent pas être livrés à eux-mêmes face à la montée vertigineuse des dépenses sociales.

Ces 5 milliards d’économies supplémentaires ne sont pas de simples chiffres dans un tableau comptable, ils se traduiront par des arbitrages douloureux ayant des conséquences sur le service apporté à nos concitoyens.

Le gouvernement doit ouvrir, de façon urgente, un dialogue afin de définir, où positionner, le curseur de l’effort sans mettre en péril les collectivités, notamment les départements fortement marqués par les dépenses sociales, et les communes dont les marges de manœuvre sont quasiment inexistantes.